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Photo du rédacteurChristine Joly

La vie d’une nonne au Myanmar

Remplie d’allégresse, le cœur en fête, le cœur en joie, le tout bercé dans la tranquillité de l’équanimité. Rien n’est trop fort, ni trop heureux même, la douceur est au rendez-vous, calmant nos cœurs et laissant fleurir le respect, la gratitude, la beauté, une beauté sortie tout droit du cœur du Dhamma.


Chaque portail, chaque bâtiment, chaque pierre nous laisse entrevoir qu’au fils des ans, depuis 2500 ans, c’est le Dhamma ici qui a prévalu et que les cœurs s’en souviennent.

C’est ici le cœur du Myanmar, le cœur du Dhamma, le cœur du Bouddha qui bat en chacun de nous, ici.


Dans le film « Pilgrimage to the sacred Land », Goenkaji nous dit que c’est ici à Sagaing Hill(s) qu’a été gardé la pureté de la pratique du Bouddha depuis des générations et des générations.


C’est ici, qu’il me semble vivre un rêve, sortie du temps, où chaque moment a son importance, où chaque battement est unique, où chaque vie resplendit. Ici et maintenant en étant pleinement présent.


Bouddha doré Myanmar

Qu’est ce qui peut bien différencier la vie d’une nonne de celle d’une laïque ?


En décembre 2016, j’expérimentais, avec mon mari, l’expérience d’être une nonne bouddhiste et mon mari un moine bouddhiste. L’expérience fut brève puisqu’elle dura 5 jours seulement (en général les ordinations temporaires durent un minimum d’une semaine). Ce dont je me souviens de cette expérience est quelle fut brève donc, mais intense et pleine d’émotions contradictoires. Par exemple, un grand sentiment de renoncement et en même temps une tristesse à devoir renoncer vis-à-vis de ce à quoi je devais renoncer ; mon mari, mes cheveux, mes vêtements et ma soi-disant liberté.

Au même moment, on peut dire que je ressentais le ravissement (Piti en pali) et quelque chose si on peut dire qui me dépassait, quelque chose qui pendant deux jours me fit pleurer, sans même en connaître les raisons.


Prendre les voeux


En octobre 2019, nous décidons mon mari et moi d’être ordonnés une seconde fois. Nous partons en quête de Vérité et de Libération. Notre pratique quotidienne de la méditation Vipassana (selon la tradition de Sayagyi U Ba Khin comme l’enseigne S.N.Goenka) nous portant dans ce second essai.

Lorsque nous prenons les vœux, nous ne fixons alors aucun temps, aucune durée pour notre ordination. Cette fois ci, les sentiments ressentis la première fois ne sont pas présents.

Mon mari est ordonné dans un premier temps comme novice puis 2 jours plus tard comme moine. Quant à moi, le jour suivant je suis ordonnée comme nonne. Il n’existe pas (ou presque pas) dans la tradition du Theravada, la possibilité d’accéder à la deuxième ordination pour une femme car une nonne doit être ordonnée par une Bikkhuni et la lignée des Bikkhunis a été interrompue depuis le temps du Buddha.


La solitude est le pendant de ces premiers jours.


Mon mari et moi sommes ordonnés dans le même monastère à Sagaing Hill(s), une ville au Myanmar où les pagodes et les stupas sillonnent les montagnes à perte de vue et où la grande majorité de la population sont des moines et des nonnes.

Au départ, nous nous rencontrons une, voire deux fois par jour pour méditer une heure ou deux dans une magnifique salle de méditation où les Bouddhas dorés et les peintures représentants la vie du Bouddhas sont plus belles les unes que les autres. C’est comme entrer dans une dimension divine... Puis, petit à petit nous espaçons à une fois les rencontres pour méditer puis nous commençons à méditer seul chacun de notre côté. Il faut savoir que le monastère où nous nous trouvons est un monastère consacré à la théorie de l’enseignement du Bouddha (Parriyati) et que nous, nous priorisons principalement Pattipati, soit la pratique des enseignements du Bouddhas par la méditation.

Ce temps, donc, nous l’utilisons principalement à la méditation, mais aussi à l’étude des textes du Bouddha, du Pali (la langue parlée par le Bouddha).


Manger pour nourrir son corps


La nourriture est aussi une adaptation graduelle, l’essentiel de nos repas se constitue de riz, d’haricots noirs ou blancs (beans), quelques légumes, avec quelques variations de beignets, de pâtes asiatiques et quelques fruits. De temps en temps un dessert ressemblant à un dessert occidental fait irruption, comme un gâteau ou des gaufrettes, le gage étant de ne pas développer d’avidité pour ce nouvel arrivant, pourtant si familier. Les repas se font donc de plus en plus légers et frugales, il est dur d’avoir beaucoup d’avidité pour du riz et quelques haricots, lorsque nous venons des pays du fromage, du pain, des gâteaux diverses et variés et autres plaisirs gustatifs auxquels nous sommes habitués.

Le fait de manger seulement pour nourrir le corps devrait donc, dans ces conditions, se faire assez facilement.


Un apprentissage


Être face à soi-même, entièrement, est-ce un luxe... en tout cas le calme m’habite et aussi le fait de prendre le temps de faire les choses, jamais à ce point je n’ai ressenti cela. Pourquoi dois-je me dépêcher puisque je n’ai aucune obligation et que rien ne presse à être fait.

Mais c’est alors qu’un de mes ennemis vient à ma rencontre. Une sorte de paresse qui de temps en temps vient me rendre visite pour me sortir « du droit chemin ». Je décide d’y faire face avec force pour les prochains jours. J’alterne donc les séances de méditation assises avec des temps d’études, de marche, de nettoyage, pour ne pas succomber à la tentation de la torpeur.


Je n’ai que moi comme maître, plus aucun enseignant, plus de devoir social.

Oui, j’ai bien un précepteur (celui qui vous ordonne), un moine très érudit qui enseigne l’Abhidhamma et dont la diction en anglais et d’un clair époustouflant, mais il nous laisse libre pour qu’on puisse se consacrer essentiellement à la méditation.


C’est la reconnaissance qui emplit mon cœur face à cette opportunité inestimable avec des conditions inestimables. Dans le monastère où nous sommes nous n’avons pas besoin de faire l’aumône, une équipe est disponible pour préparer des mets birmans tous les jours. Chaque repas est un don des laïques, le déjeuner à 5h30 le matin et le diner à 10h30 pour les moines, quant à moi j’ai pris l’habitude de venir 30 minutes après les moines. Ici la générosité fait partie de la culture birmane et bouddhiste. Aujourd’hui pendant le repas une petite fille m’a même offert une serviette de bain.


L'habit


Un fait marquant aussi, en tant que moine ou nonne, c’est l’habit que nous portons, avec humilité, tous et toutes le même. Ceci a pour but d’effacer l’individualité, l’avidité pour les beaux vêtements, l’ego. Nous sommes des renoncants, tout comme le Bouddha à son époque il y a 2500 ans. Lui, en tant que Prince qui a renoncé à son château, ses richesses, ses privilèges, sa femme et son fils...nous, nous sommes des filles et fils du Bouddha et nous suivons son chemin. Les cheveux sont rasés pour réduire les atouts de séduction au maximum. Le moine et la nonne étant avant tout un frère bienveillant et une sœur bienveillante.

Lors de ma première ordination, j’avais un peu de difficulté avec le port de la robe, elle tombait, je trouvais qu’elle me donnait chaud...cette fois ci, ayant pris mon temps pour l’ordination, j’ai pu demander à une jeune fille de coudre des tissus sur la jupe pour faire comme une ceinture, alors plus aucune possibilité à cette dernière de tomber. Et puis, je me suis familiarisée avec le port de cette robe, et aujourd’hui je ne ressens pas de gêne. Oui, les différents vêtements mis en couche les uns sur les autres peuvent peut-être donner un peu plus chaud, mais je ne ressens même pas tant cela pour cette fois ci. Peut-être juste l’acceptation et l équanimité, ou encore, l’air conditionnée dans ma chambre qui m’aide surement énormément.

Il est 13h, je décide de faire une pause pour aller méditer...et je vous dis à plus tard.


Le cheminement


De temps en temps, et de plus en plus fréquemment, je décide d’éteindre l’air climatisée (AC) pour m’habituer et faire face à la chaleur, lorsque 29 degrés Celsius sont là alors je repars l’AC.

Je bois du thé ou du café, ou mange du jagiri (sucre non traité) de temps en temps dans la journée, j’aimerai pouvoir arrêter mais la privation de nourriture ou plutôt réduction (deux repas par jour avec de la nourriture non choisie), fait que pour l’instant je garderai ces substituts.


Le tout étant d’entrainer l’esprit, un peu comme un sportif qui s’exercerai pour un marathon. Nous, notre but, se libérer de toutes souffrances, s’extraire de toutes souffrances, pouvoir être face à n’importe quelle situation, la maladie, la mort, la faim, le froid, la chaleur...et ne pas en souffrir. Bien sûr il ne faut pas exagérer, si nous vivons dans un pays froid il est correct de se couvrir la tête, les pieds, et de couvrir son corps. Le Bouddha nous enseigne la voie du milieu, ne pas aller dans les extrêmes, mais en même temps ne pas vivre trop dans le désir, l’avidité, ou bien même l’aversion face à ce qu’on n’aime pas. Tout cela fait aussi parti de l’entrainement qui nous mènera à notre but, ne plus souffrir quelle que soit la situation extérieure, quelle que soit la disposition mentale, y faire face, traverser la vague sans y succomber, c’est possible et nous sommes sur ce chemin-là.

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